En analysant le théâtre camerounais tel qu’il est pratiqué, Martin Ambara propose des pistes pour sa rénovation et sa revitalisation.
Martin Ambara en représentation au théâtre Othni, berlinerfestspiele, 2017,
Quel regard portez-vous sur l’évolution du théâtre camerounais ?
Le théâtre camerounais a beaucoup souffert d’une écriture et d’une esthétique dans lesquelles le public camerounais se reconnaît. Je crois que moi aussi, j’ai péché en cela, parce que pendant 17 ans, j’ai fait du théâtre et travaillé dans des ateliers animés par des metteurs en scène occidentaux et pourtant nous avions déjà des metteurs en scène locaux qui pouvaient nous entretenir. Je crois qu’on n’a jamais parlé à notre public. On n’a vraiment jamais fait du théâtre pour notre public. Les pièces qui ont été créées et jouées, c’étaient pour les autres publics. La preuve, j’écris pour aller jouer à Limoges, à Avignon, mais je me fiche de ce que je peux écrire pour jouer au Cameroun. Et quand bien même je joue au Cameroun, je ne me préoccupe pas de la sensibilité du public. Je ne me préoccupe pas de la cible de mon propos. Or, cette cible du propos a été le fondement du théâtre occidental.
Comment peut-on résoudre ce problème d’un théâtre qui parle au public ?
Pour arriver à remédier cette situation, il est important d’observer notre société, notre public et déterminer sa fibre artistique et lui parler des mots qui sont les siens. Cela ne suppose que quel que soit la langue par laquelle on lui parle, que ce soit le français, l’anglais, les langues nationales ne sera pas le plus important. Mais c’est plutôt l’impact créé chez ce public qui sera intéressant. Il faudra puiser dans les mythes fondateurs africains, les contes et légendes sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour inventer de nouvelles formes théâtrales. Ce nouveau paradigme servira à déterminer une identité théâtrale. C’est cette démarche qui nous permettra d’inventer un théâtre proprement camerounais. Je ne veux pas dire que ça n’a pas existé ! Des gens ont commencé à faire ce travail. Et au départ, ce sont les étudiants de l’université de Yaoundé I qui proposait des textes qui visaient à repenser un théâtre qui s’inspiraient des mythes et légendes. Ce type de représentation parle au public, on est dans la salle et on est content d’entendre et de regarder cela. Il est donc question d’apprendre à parler aux gens qui sont de chez nous !
Propos recueillis par Claudel Tchinda
Interview
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