L’histoire et l’évolution de l’architecture des constructions de la ville de Yaoundé souffrent d’un manque de repères documentés.
Délégation régional des Arts et de la Culture du Centre, Première maison en matériaux durable de Yaoundé, ancienne résidence des Gouverneurs allemands, 2015, Fernand Ghislain Ateba
La construction de Yaoundé est le fruit du hasard. C’est la conclusion de laquelle sont déduites les différentes thèses confrontées à l’analyse. Ce prémice constitue l’un des clichés qui racontent Yaoundé. En peu de mots, mais pleine d’interrogations poignantes, l’enseignant-chercheur Fernand Ghislain Ateba Ossendé propose un état des lieux de l’histoire, mais encore de la conservation et de la valorisation du patrimoine de Yaoundé. Ce condensé peut dérouter sur l’abondance et la pertinence des questions abordées dans son livre intitulé : « Le patrimoine architecturale de la ville de Yaoundé de 1895 à 2009 ». D’entrée de jeu, c’est l’histoire de la création de l’actuelle capitale politique du Cameroun qui est exhumée. Les péripéties et la nécessité qui a poussé les allemands à s’établir dans cet espace sont révélées. Un point d'intérêt est porté aussi sur la genèse du nom Yaoundé et les mutations qui ont suivi.
Yaoundé, la capitale était avant 1900, un hameau constitué de concession en forme rectangulaire et reliées entre-elles par de larges pistes très fréquentées. L’auteur raconte que les murs des cases étaient faits d’écorces d’arbres ou de bambous et recouvertes de nattes de raphia. L’organisation interne des domiciles consacraient trois espaces ; la cuisine ou Nda réservée aux femmes et filles, le séjour ou aba’a pour les hommes et les enfants de sexe masculin et l’étable- abemba, où étaient logés les caprins. Au fils du temps, ces types de construction vont céder place à des bâtisses plus imposantes élevées en matériaux plus résistants.
La première maison en matériaux durables est construite en 1895, peu avant la création de la ville en 1888 comme la station militaire allemande. Il s’agit de l’actuelle délégation régionale des Arts et de la Culture de la région du Centre, elle appartient alors au major Hans Dominik. A partir de ce point, l’auteur énumère les constructions dignes d’intérêts, à la fois publiques et privées qui ont façonnées le paysage de la ville. Puis, scrute et décrypte leurs contributions à l’édification d’un patrimoine architectural de la cité.
L'architecture revisitée
Cependant, des études faites, il revient que la ville aux sept collines ne dispose d’aucun inventaire de son patrimoine architectural. Un déficit qui rend difficile la préservation et la conservation de l’héritage puisque les spécialistes soutiennent que derrière des lieux, des places et ouvrages divers peuvent se cacher l’histoire des époques. Et comme le dit l’auteur, un détail peut témoigner d’un fait historique. Comme conséquence et au-delà du constat fait, l’histoire de la ville comme celle du Cameroun en, général semble méconnues du grand public.
Une autre problématique est soulevée dans cet ouvrage : celle de la conservation des édifices historiques. Certains édifices chargés des marques de l’histoire de la ville sont abandonnés quand ils ne sont pas simplement détruits (la première mairie de Yaoundé, la tribune du défilé du Boulevard de la réunification, le cimetière allemand, etc.). Or, la valorisation et la promotion de certains de ces édifices et ouvrages aurait permis d’étoffer l’offre touristique et contribuer à générer des emplois et des devises, à l’instar des villes telles que Tichit, Gualata en Mauritanie, Ouidah au Bénin ou encore Alexandrie en Egypte.
A travers cette recherche, l’auteur nous interpelle à nous ressaisir dans notre approche de la gestion du patrimoine architectural et nous invite à répondre à la question : quelle stratégie pouvons-nous mettre en place pour assurer une bonne protection, conservation, valorisation et promotion du patrimoine architectural de Yaoundé ?
166 pages fortement illustrées, sorties des presses d’Edilivre en 2019. L'ouvrage propose une balade dans l’histoire et les ruelles de la capitale Yaoundé pour comprendre, mais aussi se projeter dans le futur. Fernand Ghislain Ateba sonne l’urgence de se remettre en question et de tirer avantage de notre héritage commun.
Claudel Tchinda