Le chorégraphe et designer rêve d’un festival de mode où feuilles, racines, écorces, plumes et fruits secs seront mis en exergue.
Hanoscultures s’est rapproché du danseur, chorégraphe et designer autodidacte pour comprendre l’évolution de ses créations et ses ambitions dans le milieu artistique.
On vous a connu sur les planches de battles, que représente pour vous la danse ?
Je fais et je continue toujours à faire la danse avec ma compagnie de danse ART FEELING. Nous faisons des formations en danse patrimoniales, mais davantage des formations de danses modernes contemporaines. Des cours et spectacles de percussions. La danse fait partie de ma vie, car lorsque je ne prépare pas un spectacle ou une animation, j’ai un programme de danse hebdomadaire que je respecte. J’ai des sollicitations pour des cours particuliers et des montages de chorégraphies.
Quel est votre plus beau souvenir dans l’univers de la danse et de la chorégraphie ?
Il y a plusieurs souvenirs, mais celui qui m’a beaucoup marqué c’est le spectacle KUN’TALA. Un spectacle de 1h30minute de danse de création qu’on a travaillé en 10 jours avec des danseurs du Congo, de la république démocratique du Congo, du Tchad et du Cameroun. Pendant cette résidence de création, nous avons bossé de jour comme de nuit. Nous avons travaillé avec beaucoup de pression et de professionnalisme et dans une ambiance bonne enfant. Un travail qui en temps normal doit prendre des mois en résidence, nous l’avons fait en 10 jours. Le résultat était tout simplement magnifique
Pourtant vous êtes de moins en moins visible sur les scènes de spectacles de danses ?
Je n’ai pas quitté la scène des spectacles. Je danse encore et je continue de monter des chorégraphies. J’ai fondé en 2013 une association artistique et culturelle dénommé ART FEELING qui rassemble tous les domaines d’art dont la mode et les arts de scène. Au sein de cette association, je multiplie les formations pour préparer la relève.
Quel est le regard que vous jetez sur l’évolution de ces deux disciplines au Cameroun ?
Je dirai que beaucoup a été fait, mais beaucoup reste aussi à faire, car les danseurs font de plus en plus carrière dans ce domaine et ne le font pas juste pour un passe-temps ou pour danser pour des chanteurs. Même si dans nos familles, avoir un membre qui se prédestine à la danse est encore perçu comme une activité réservée à ceux qui ont raté leur vie.
Les membres de l'association culturelle et artistique Art Feeling, répétition, hervé Ngome Ewane
Aujourd’hui investi dans la mode, qu’est-ce qui vous y a poussé ?
Comme je dis toujours, c’est l’amour de l’art. Elève comme étudiant, je n’avais jamais imaginé être designer, le fait d’être mannequin a peut-être contribué à nourrir en moi cette passion. La patience et le gout de l’aventure a fait le reste.
D’où vous est venue l’inspiration d’associer les textiles modernes à des matières naturelles ?
Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours voulu faire des choses qui me distinguent des autres. Ce fut un risque quand j’ai commencé à faire cet alliage et à force de multiplier des ateliers de formation et d’échanges, j’ai compris que ce mélange pouvait très bien marcher, même dans le prêt- à-porter. Il faut juste savoir comment allier les deux pour ne pas tomber dans l’extravagance mais plutôt ressortir le chic, le glamour.
Quelles sont les associations les plus courantes que vous posez dans vos créations ?
J’utilise beaucoup le raphia, le bois, les fruits secs, les plumes, les textiles en coton, en lin, en soie. J’utilise aussi le wax le ndop, le bogolan, l’obom. Je fais aussi de la récupération.
Avez-vous de la difficulté à vous approvisionner en ces matières, parfois rares ?
Bien entendu, en raison du fait que les matières naturelles sont de plus en plus utilisées dans les vêtements, ce n’est pas toujours facile de s’en procurer. Parfois, il faut passer des commandes dans des zones éloignées, certains me viennent du Nord-Ouest du Cameroun.
Votre marque porte le nom HENE ? À quoi cela renvoi-t-il ?
C’est un découpage de mon nom Hervé Ngome. Il est découpé ainsi HE (Herve), N (Ngomé), et E(Ewané).
Depuis l’inauguration de votre nouvelle collection « Modern african dress », on n’y perçoit des influences culturelles occidentales et asiatiques, est-ce une rupture ou une évolution dans la démarche artistique qui est la vôtre ?
Il n'y a pas de rupture du tout, c’est simplement l’évolution dans les créations qui sont faites. Je suis entré dans le milieu en autodidacte et au fur à mesure que je côtoie d’autres créateurs, je fais des recherches pour améliorer la pratique qui est la mienne et je comprends que je peux rester dans cet alliage de matières naturelle et moderne. Cela me donne l’idée de créer aussi des tenues de soirées ou de mariage qui peuvent être vendues dans des boutiques. Tant qu’on a le souffle de vie, on ne cesse pas d’appendre afin d’améliorer notre travail. Toutefois, quand je veux laisser libre cours à ma créativité, je fais mes folies, donc je travaille en fonction des projets et de ce que le client commande.
Comment le public accueille vos productions ?
Très bien ! Ils sont toujours impressionnés. Ils s’attendent toujours à des nouveautés et à l’originalité et ils sont, à chaque fois satisfaits.
Vos créations sont-elles destinées aux grands publics ou simplement à un public spécifique tel que les vedettes ou les acteurs de cinéma, etc ?
Mes créations sont destinées à monsieur et madame tout le monde. Les créations artistiques sont réalisées sur commande vu que ce n’est pas tous les jours qu’il y’a des prestations artistiques ou des tournages de film qui exigent des costumes dans mon styles. Et même à ce niveau, beaucoup d’artistes ne voient pas encore l’importance de se faire confectionner des tenus de scène par un designer.
Quels sont vos projets et ambitions pour la mode ?
Mon principal projet est de mettre sur pieds un espace culturel et artistique ou l’on pourra apprendre les métiers d’arts, s’exprimer à travers des spectacles, exposer les œuvres d’art dans un showroom et aussi mettre sur pieds un festival de mode.
Propos recueillis par Claudel Tchinda
Interview
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