Le co-auteur de « Huit leçons sur l'Afrique » analyse l’aide au développement, le rôle de la diaspora africaine, l’histoire coloniale, etc.
Alain Mabanckou en interview sur France 24, 2019, France 24
De but en blanc, dans un entretien avec l’équipe du site d’information thématique ideas4development.org, le prix Renaudot 2006 soutient qu’il existe d’autres modèles de développement adaptés à l’Afrique. Rejoignant ainsi les derniers des résistants à la post-colonisation et fervents défenseurs de l’Afrique. Ceux-là même qui défendent depuis des décennies que l’Afrique n’est pas obligée de s’efforcer de transposer sur le continent, les manières de faire, de penser, de vivre telles que cela se fait en occident ou aux Etats-Unis. L’argumentaire développé sur cette question s’adosse, entre autres, sur traditions africaines. Les illustrations au sujet des modes de gestion de conflits, de rapport aux institutions sont mises en avant. Bien que de l’extérieur, des analyses démontrent que nos institutions traditionnelles sont incompatibles avec le sens de l’évolution des sociétés. Alain Mabanckou va plus loin en insistant sur les origines de la notion de développement formulée, dit-il, par des puissances économiques dominantes. Normal que ce soit elles qui définissent les normes au détriment de l’Afrique qui n’a pas la capacité d’imposer les siennes.
Concernant le débat sur l’idéal de relations équilibrées entre les nations du Nord et celles du Sud, l’auteur de les Mémoires de porc-épic avance que pour instaurer une relation d’égal à égal, un équilibre préalable est nécessaire. Il va, entre autres, identifier le niveau de démocratisation, l’esprit d’entreprise, la bonne gouvernance, etc. Car, selon lui, il faut s’assurer que l’aide octroyée dans le cadre du partenariat parviendra bien dans les mains de ceux à qui elle est destinée et qu’elle sera utilisée à bon escient. Faut-il donc s’abstenir d’apporter de l’aide aux populations nécessiteuses si ces conditions peinent à être réunies ? La réponse est négative. Les aides font partie de la courtoisie internationale, enseigne alors l’ancien employé de la Suez-Lyonnaise des Eaux. Mais avertit-il, il faut s’assurer que l’aide octroyée de bonne foi est répartie équitablement entre les partisans et les adversaires du régime en place. Il faudrait même faire en sorte que cette aide favorise une certaine démocratisation du pouvoir. Car l’aide ne se suffit pas en elle-même, il faut en examiner les conséquences sur le terrain.
Ville d'Afrique, 16 juin 2016, http://goodmemory.over-blog.com
Sur la question du rôle de la diaspora africaine, l’enseignant de littérature francophone à l’Université de Californie à Los Angeles pense que l’un des devoirs de la diaspora est de susciter et d’entretenir l’enthousiasme des populations sur le continent. En plus de l’accompagnement, déjà connu, des économies locales. Face au dérèglement climatique, l’ancien étudiant de l'université Marien-Ngouabi à Brazzaville, observe que l’Afrique s’inspire des autres nations émergentes, en particulier en Amérique latine et essaie de se doter d’une relative autonomie économique et de réguler les élans faussement généreux de certains gouvernements occidentaux. Et de lancer comme une bougie allumée dans le noir, il existe indéniablement d’autres modèles de développement plus adaptés à notre continent, intégrant la manière africaine d’exister, de gérer les conflits, de partager les richesses et aussi de les fabriquer.
Bertrand Tounyiel